Le lion de Pune est mort
Le lion de Pune est mort. Pourtant il n’y avait pas de tristesse, mais une profonde nostalgie. La nostalgie de ce vent de liberté qui soufflait et s’incarnait dans sa présence.
Un auteur a dit le silence qui suit Mozart c’est encore du Mozart. Soudainement dans l’absence de sa forme, sa présence n’en devenait que plus évidente, radieuse dispersant les nuages des doutes pour laisser la place à l’émerveillement et à la gratitude.
Comment ne pas s’émerveiller du jeu de la Conscience qui s’incarne dans une histoire de légende et commence presque comme un conte. C’est en effet l’enfant chétif, maladif qui n’a presque pas de future sans une grande éducation que les dieux vont choisir pour que le yoga puisse être de nouveau révélé, embrasé l’occident et regagner ses lettres de noblesse dans son pays d’origine.
Que de formidables tempêtes, obstacles, oppositions, désapprobations humiliations a-t-il rencontré et surmonter.
Ne serait-ce que culturellement les pratiques yogiques avaient un passé sulfureux. Bien souvent interdites et clandestines, elles s’adressaient aux renonçants, ceux qui ne voulaient pas du monde. Le yoga était assimilé aux fakirs et autres vagabonds fous, reniés par la société. Quant aux pandits ils n’étaient intéressés que par une approche philosophique, intellectuelle qui bien souvent les amenait au refus du monde et au déni du corps.
Quelle crédibilité pouvait donc avoir un homme marié qui pratiquait ce qui apparaissait comme des contorsions ?
La relation avec son guru Krishnamacarya fut tourmentée et emprunte de peur. Il ne resta que deux années avec ce dernier qui ne lui enseigna presque rien, mais lui fit remarquer qu’il n’était pas fait pour cet art.
De cette terrible tension entre l’absence de reconnaissance de son maître et le rejet de la société jaillirait une lumière qui allait éclairer le monde du yoga.
Quelle profonde solitude a-t-il du connaître lorsqu’encore très jeune sans aucune expérience et connaissance il se retrouva à Pune pour enseigner.
De Christian Pisano : «La contemplation du héros (BKS Iyengar et le Shivaïsme non-duel du Cachemire)». www.anuttara.com